Collectif Encore Heureux...
Rencontres 2013
« Encore heureux... »
Ne vous fai pas trop de bil avec moi toujour plin de courage.
Mets-moi un instant la main sur le front pour me donner du courage.
« Encore heureux... » est le nom d’une tentative qui pourrait déjà tenir entre ces deux phrases. L’une issue d’une lettre envoyée en 1917 par un soldat à ses proches, l’autre adressée au hasard à un(e) inconnu(e). Les temps ne sont pas à la rigolade. Et pourtant. Il se trouve qu’à La Fonderie, depuis plus de dix ans, un certain nombre de personnes viennent travailler, parfois montrer des œuvres, et se rencontrent avec des questions qui pourraient se condenser ainsi : Comment est-il possible d’ouvrir des espaces constituants dans le monde tel qu’il est, d’habiter des lieux tels qu’ils se présentent, où des hommes et des femmes, des enfants et des vieux, des patients et impatients, œuvrent singulièrement à quelque chose de commun, qui ne dit pas toujours son nom ?
Il nous a semblé que ce lieu, cette Fonderie, en dérogeant à l’assignation trop restreinte de « lieu culturel » par sa capacité d’accueil, pouvait modestement mettre en œuvre ces questions dans un temps qui ne soit ni celui d’un festival ni d’une programmation... À condition d’agir avec la complicité de ceux qui les prolongent ici et là, au musée ou à l’hôpital, dans un Groupement d’Entraide Mutuel ou dans un foyer, dans un collectif de patients ou une librairie de quartier. Et qui, dans les interstices du « métier », au détour de la réalisation d’un journal ou d’un atelier, tentent de construire une attention commune, une sympathie.
C’est de cette attention commune qu’est née ce qu’il est commode d’appeler la « psychothérapie institutionnelle ». Un mouvement dont on peut situer les commencements à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban, en Lozère, lorsqu’au point de rencontre de la Résistance, de la clinique et de la poésie, mais aussi par une série de « hasards » (l’arrivée d’Eluard et de Tzara, de Tosquelles et de Bonnafé, de malades réfugiés et de médecins venus se cacher), l’hôpital se désaliénait.
Un mouvement qui a entrepris, à l’asile d’abord, de sonder pour ne pas dire soigner ces regroupements que l’on appelle « institutions », de fabriquer « des lieux réellement ouverts, ouverts sur la vie ».
Souvent une troupe, un club, un atelier ou un collectif s’ancrent sur ce même dessein. Or qu’est-ce que ces mots ont en commun ? Que nous disent-ils aujourd’hui au sein des « établissements », qu’ils soient de santé, de culture, d’accueil ou d’enseignement ?
D’une suite de rencontres est sortie au moins une idée : Essi (1) nous essayions de montrer et de faire se rencontrer des expériences parfois très en marges, des pratiques parfois reconnues, des soucis habités par des points et origines communes, qu’il s’agirait de définir et parler (voire de paroler). Ces points communs, nous pourrions commencer par les nommer ainsi : l’accueil, le soin, le collectif, les lieux, le temps, au risque de l’art. Parce que nous savons qu’il existe des expériences et des pratiques qui s’acharnent à faire advenir, partant de ce qui existe, autre chose que la capitalisation du même optimisé, l’évaluation à tout va, les compressions de personnel, la contention psychique, le mépris et la violence faite aux migrants, aux chômeurs... Cette « autre chose » ne pouvant se passer de lieu.
Depuis, un collectif s’est constitué, désireux d’amorcer cette tentative : « Encore heureux... ». Parti de ce qu’il connaissait d’œuvres, de ceux et celles qui les conçoivent, ce collectif est allé à la rencontre d’êtres vivants qui travaillent le quotidien au sein de structures diverses, qu’elles soient associatives, sociales, culturelles ou d’accueil ; afin d’envisager de mars à juillet 2013 des rendez-vous qui, ne se constituant pas que d’un programme, établiraient de possibles réciprocités voire des communautés intempestives.
Le collectif « Encore Heureux... »
(1) Essi : Mot extrait du recueil « Essi et copeaux » de Fernand Deligny : (« Et-si- » l’homme que nous sommes)
La marche des fusils
d'André Robillard à travers la ville
La ville est une énigme à résoudre.
Ce qu’André Robillard nomme Tuer la misère ou encore Changer la vie sont deux formules magiques qui traduisent cette possibilité en l’homme et pour l’homme de transformer ses conditions d’existence, d’accéder à quelque chose de nouveau à partir de sa propre expérience.
Et en faisant de soi quelque chose de nouveau bien sûr faire quelque chose de nouveau avec les autres hommes.
J. Beuys
Les fusils de la collection Tuer la misère ont été construits par André Robillard entre mars 2008 et aujourd’hui, lors des déplacements occasionnés par la fabrication puis les tournées des spectacles Tuer la misère et Changer la vie – Compagnie Les endimanchés. La collection Tuer la misère est désormais nomade. C’est dans le cadre d’une circulation et de mouvements géographiques qu’elle est née et c’est à ce mouvement que nous voulons la rendre.
Le geste de marcher avec les fusils à travers la ville symbolise le projet d’une libre circulation des œuvres et d’un sillon à creuser pour leur devenir, qui soit une alternative entre la collection privée et le musée. Dans l’attente d’une terre d’accueil, un territoire, une ville, où s’établir durablement...
Cette déambulation des fusils d’André Robillard a déjà été expérimentée en juillet dernier, elle fut l’occasion d’un rassemblement et d’un déploiement-urbain-pour-un-parcours-architectural, fusils à la main, à travers les villes de Suresnes, Puteaux et Nanterre.
La Résidence sociale Nelson Mandela sera le point de départ de La marche vers la ville. Nous remonterons le cours de la Sarthe en faisant station dans différents lieux(1) jusqu’à La Fonderie pour y déposer les fusils et partager La soupe.
Cette promenade ouvre la possibilité de cheminer ensemble pour découvrir ce que, de la ville, nous ne connaitrons qu’à travers la perception et l’expérience communes que nous pouvons en faire.
La marche est aussi l’occasion pour chacun d’une dérive à travers la ville dans le sens d’une nécessaire désorientation ludique et constructive, qui nécessite pour un temps de renoncer aux motifs de nos déplacements habituels conditionnés par le travail et/ou les loisirs et « se laisser aller aux sollicitations du terrain et des rencontres qui y correspondent ».
Alexis Forestier
(1) Parcours et stations en cours d’élaboration. Il est tout à fait possible de ne pas participer à toute La marche, et de la rejoindre d’une station à une autre.
L’Association de gestion de logements accompagnés Nelson Mandela (60 rue de L’Angevinière au Mans) accueillera le départ de La marche des fusils et participera selon les souhaits de ses résidents aux différents moments d’ « Encore heureux... »
Cette association réalise depuis 40 ans du « logement accompagné » : une forme d’habitat intermédiaire, un tremplin vers le logement autonome. Chaque année, elle accompagne 300 personnes sur Le Mans, Coulaines, Allonnes et Mamers, et quelles que soient leurs histoires dans cette situation d’exclusion, les aide à retrouver une place de citoyen.
L’occasion aussi de présenter « Mémoires d’oubliés », un livre d’entretiens et de photographies de Georges Pacheco édité par l’association. De manière impromptue, des lectures de ces textes seront données à entendre pendant « Encore heureux... »
- Accueil du 21 au 24 mars -
« Qu’est-ce qu’une institution ? », se demandait François Tosquelles à propos du travail engagé à l’hôpital de Saint-Alban : « Si on nomme institution l’établissement hospitalier, alors on ne sait pas ce que ça veut dire... Une institution, c’est un lieu d’échanges, avec cette possibilité d’échanges avec ce qui se présente ; d’une façon excessive, on peut dire que c’est un lieu où le commerce, c’est-à-dire les échanges, devient possible. »
Comment faire place à ce qui se présente, rendre possible des échanges ? C’est en partie pour prolonger cette intention que ces journées, qui s’étendront d’une manière encore à inventer jusqu’au mois de juillet, débutent par un accueil le jeudi 21 mars à partir de 10H : pour commencer à faire connaissance, cheminer dans La Fonderie, visiter les expositions, prendre un café, poser et préparer des moments de parole, imaginer la suite, partager les besoins quotidiens...
« Encore heureux... » ? De se demander quelles institutions nous voulons, d’éplucher des légumes pour la soupe du soir, d’organiser une discussion, de former un orchestre éphémère... Au bout de ces journées, constituer un regard peut-être. Ou simplement se mêler aux besoins de nombreux « autres », si d’aucuns avaient encore le sentiment d’exister en personne
Le Studiolo, un centre de ressources en forme de boussole, à partir de ce qui existe et avec : des étagères, une table, des fauteuils. Avec la participation du café-librairie Michèle Firk et du Collectif Précipité, en association avec L’herbe repousse entre les dalles.
La librairie d’un théâtre, c’est souvent là où l’on peut venir acheter l’édition du texte que l’on vient d’entendre pour l’emporter chez soi. Mais si ce qu’on vient entendre est encore à venir, alors l’enjeu devient autre : rassembler les fragments de ce qui reste encore à l’état d’ébauche, dont le sens revient au collage avec d’autres ingrédients. Bref, comment appeler un lieu où, pendant les journées « Encore heureux...», on pourrait venir déposer un texte et feuilleter un livre, regarder un dessin, poser un tract ou un poème et repartir avec cent, acheter un roman ou noter la référence d’un livre introuvable ? Mais aussi déposer le dernier numéro du journal d’un lieu de soin, lire le programme d’un atelier lecture organisé dans un centre de jour, les brochures d’un ciné-club organisé par un GEM dans un vrai cinéma ou le récit d’une expérience d’accueil de précaires à Toulouse (le CREA)... Ou encore, écouter sur un petit poste CD la discussion que l’on vient de réaliser avec des acteurs amateurs, la parole des hébergées d’un centre d’hébergement d’urgence, des extraits de radio citron et radio galère, la playlist de l’intempestive.net & autres impromptus, ou bien la lecture publique d’un texte de Marguerite Duras, « La Pluie d’été » : l’histoire d’enfants d’une banlieue pauvre qui ne veulent plus remettre les pieds à l’école.
L’atelier Studiolo
Pour proposer des documents, écrire à michelefirk@riseup.net
Studiolo sera également présent du 10 au 13 avril
Expositions
Aimable Jayet
Les victimes mortes se vengent très bien...
Phrase d’Aimable Jayet
A propos d’Aimable Jayet par Christophe Boulanger
OD : En ce qui concerne l’hôpital de Saint-Alban, trouve-t-on l’empreinte du lieu et de son quotidien dans la production de Jayet ?
CB : J’ai collecté avec le temps, au sein de l’œuvre de Jayet, des noms et représentations de soignants ou de patients, ce qui peu à peu fournit des indications sur son quotidien et celui de l’asile. Il y a par exemple le nom d’un gars, Marcel Sains, un patient de l’hôpital haut en couleur, qui recevait un abonnement à un journal littéraire en tant que Père Missionnaire à Saint-Alban. Eh bien ce Sains, que je sais maintenant camarade de pavillon de Jayet, est un des contributeurs les plus actifs et intéressants du journal de l’hôpital Trait d’Union. Il est riche de mettre cela en relation avec le « grand journal » constitué par les écrits et les dessins de Jayet. Je dois organiser ce faisceau de traces ténues du quotidien, de la dimension asilaire et du contexte spécifique de Saint-Alban, mais là-dessus il faut être prudent afin d’éviter de sur-déterminer la vision. Il y a beaucoup de monde à Saint-Alban pendant la guerre. Même bien informé de la vie de son « quartier », Jayet reste, la plupart du temps, dans son dortoir et entasse ses ouvrages dans une caisse sous son lit. On pourrait dire qu’on retrouve la structure de l’asile sous son lit. Jules Leclercq, à l’asile d’Armentières à la même période, stockait ses broderies de manière analogue.
Extrait d’un entretien avec Olivier Derousseau
paru dans Chimères n°78, Soigne qui peut (la vie)
André Robillard (Collection Tuer la misère)
André Robillard est né en 1931 au lieu dit « la mal tournée ». Il entre en 1939 à l’école annexe du Centre hospitalier Georges Daumezon de Fleury-les-Aubrais. Dans cet établissement, marqué par la naissance de la psychothérapie institutionnelle, sous l’impulsion notamment de G. Daumezon puis de Roger Gentis, André Robilllard a acquis un statut d’auxiliaire en travaillant dès le début des années soixante pour la station d’épuration de l’hôpital ; c’est ainsi qu’il trouve une forme d’autonomie tout en continuant à vivre dans l’enceinte de l’hôpital. Cette époque a correspondu avec la fabrication des premiers fusils et la réalisation de dessins ; il vit toujours à Fleury-les-Aubrais, dans une maison indépendante, entouré de ses oiseaux.
Les premiers fusils datent de 1964 ; confiés par le docteur Paul Renard à Jean Dubuffet, ils ont circulé quelques années dans les Collections de l’art brut encore nomades, avant d’atterrir à Lausanne où le musée a ouvert ses portes en 1976. Depuis lors André Robillard n’a eu cesse de construire de nouveaux fusils, présents dans de nombreuses collections à travers le monde, dont celle notamment de l’Aracine (LaM - Villeneuve d’Ascq).
Collection Tuer la misère
Les fusils, dessins et sputniks de la collection Tuer la misère ont été réalisés dans le prolongement et autour des spectacles Tuer la misère et Changer la vie, hors de chez André Robillard, dans une sorte d’atelier mobile, à la périphérie du travail scénique de la compagnie Les endimanchés, depuis un premier séjour à La Fonderie en mars 2008.
Georges Pacheco
Georges Pacheco vit entre Le Mans et Arles. Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles ainsi qu’en Psychologie de l’art à l’Université Paris X, il se consacre, depuis plusieurs années, à scruter en profondeur les conditions humaines. Adaptant ses approches aux différentes problématiques qu’il traite, il essaye de poser un regard engagé sur le genre humain. Son implication et la proximité qu’il crée avec les personnes qu’il photographie sont autant de nécessités, pour lui, d’éprouver et de questionner l’autre. Depuis 2001, Georges Pacheco expose régulièrement en France et à l’étranger.
Représentations
JEUDI 21 & SAMEDI 23 MARS à 21h
Changer la vie
Compagnie Les Endimanchés
AVEC Alexis Forestier & André Robillard
André Robillard et Alexis Forestier se sont rencontrés en 2007 à Fleury-les-Aubrais, présentés l’un à l’autre par Charlotte Ranson ; une complicité, à la fois amicale et musicale s’est tissée entre eux au fil des visites et du temps partagé et a fait naître l’idée d’un projet commun.
Le spectacle Tuer la misère est né de cette rencontre. Une première version fut présentée à La Fonderie.
L’immédiate évidence avec laquelle André Robillard rencontre l’autre et l’invite à entrer dans son paysage, la vigueur avec laquelle il convoque ses arrières-mondes et les transfigure par la parole, le chant ou ses productions plastiques, son attrait pour les formes scéniques théâtrales et musicales, l’inventivité qui le caractérise sont autant d’aspects qui ont ouvert les voies d’une mise en commun de matériaux, musicaux, textuels, plastiques et sonores. Un objet scénique, proche de la performance et de l’improvisation s’est ainsi échafaudé. Il est fait d’une succession de séquences inspirée à la fois de l’imaginaire d’André Robillard et de moments de vie partagés avec lui.
À l’invitation du LaM pour les 80 ans d’André Robillard en octobre 2011 est né le projet Changer la vie. Trois ans après la création de Tuer la misère, André Robillard et Alexis Forestier poursuivent leurs aventures scéniques, ils inventent cette fois une nouvelle forme, en duo, déployant un paysage multiple et resserré où se trament leurs dérives et leurs détournements langagiers, burlesques et athlétiques...
Le projet se joue avec André Robillard lui-même, dans une scénographie élaborée à partir de dessins, de fusils de sa fabrication et d’éléments lui appartenant. Le paysage scénique se déploie à la manière d’un collage de textes et de motifs musicaux ou sonores. Le matériau prend la forme de ce qui s’est inscrit dans le travail avec André, autour de sa présence, en l’ayant intégré à des explorations et expérimentations musicales ou en ayant accompagné ses propositions rythmiques et improvisations vocales.
Alexis Forestier
JEUDI 21 MARS à 18h30 & VENDREDI 22 MARS à 20h
rencontre avec les comédiens à l’issue de la représentation du vendredi
Les Oiseaux
D’après Aristophane Texte Frédéric Vossier
Théâtre de L’entresort - L’atelier Catalyse
MISE EN SCENE Madeleine Louarn
CHORÉGRAPHIE Bernardo Montet
COLLABORATION ARTISTIQUE Jean-François Auguste
AVEC LES COMÉDIENS DE l’atelier Catalyse
Tristan Cantin, Claudine Cariou, Christian Lizet, Anne Menguy, Christelle Podeur, Jean-Claude Pouliquen, Sylvain Robic
SOUFFLEUSE Stéphanie Peinado
ACCOMPAGNEMENT PÉDAGOGIQUE Erwana Prigent
SCÉNOGRAPHIE Marc Lainé
LUMIÈRE Michel Bertrand
SON David Ségalen
VIDÉO Jérôme Leray
COSTUMES Claire Raison, Claire Schwartz
RÉGISSEUR GÉNÉRAL James Brandily
« Les Oiseaux, c’est une fantaisie philosophique sur les hommes et leurs limites ridicules, c’est aussi la première pièce comique interprétée par notre compagnie. Et ce rire est incroyablement épanouissant et libérateur. J’ai l’impression de voir des acteurs libérés, inventifs et tellement vivants que je regrette presque d’avoir tant attendu pour aborder la comédie. J’ai souvent pensé que le théâtre était un exercice d’émancipation et là, je le vois concrètement. Le chant et la danse nous permettent sans doute de nous affranchir de certaines inhibitions. Du coup, je découvre des acteurs avec un potentiel que je n’avais pas imaginé. Et puis, nous retrouvons dans cette pièce tout ce que j’aime : la poétique inépuisable de l’oiseau et de son chant, de la légèreté, de sa fragilité et de son élévation ; la philosophie de l’invention de la démocratie et de l’accord que les hommes doivent trouver entre eux, avec le monde et avec les dieux ; la subversion, avec une part de provocation dans la lignée des dadaïstes, dans l’attaque faite aux fondements de la société : la religion, les sciences, les institutions ; et, enfin, la fantaisie, avec un monde imaginaire qui permet de s’écarter de la réalité ».
Propos de Madeleine Louarn
recueillis par Jean-François Ducrocq
En 1984, Madeleine Louarn crée Catalyse, compagnie de théâtre composée d’acteurs handicapés mentaux qui devient bientôt permanente et professionnelle, au sein du centre d’aide par le travail de Morlaix. Presque trente ans plus tard, Catalyse a monté des pièces de William Shakespeare, Samuel Beckett, Lewis Caroll, Daniil Harms, Ribemont-Dessaignes, Luzel... et développé ses propres créations. « Dès le début de l’atelier Catalyse, la thérapie n’était pas la question première. Il s’agissait d’expérimenter le théâtre et d’éprouver par là une expérience artistique. Nous étions animés par l’idée que chaque personne peut être saisie par une émotion esthétique pour peu qu’elle ait accès à l’art. La question du Beau peut devenir celle de tous, quels que soient les individus, leur histoire, leurs déficiences. L’idée était donc, avant tout, de participer à la création théâtrale ».
SAMEDI 23 MARS à 19h & DIMANCHE 24 MARS à 12h
(des)incarnat(s)
Compagnie Mawguerite
INTERPRÈTES Jean-Claude Pouliquen et Bernardo Montet
CHORÉGRAPHE Bernardo Montet
COLLABORATION ARTISTIQUE Madeleine Louarn
CRÉATION MUSICALE Pascal Le Gall
SCÉNOGRAPHIE Gilles Touyard
CRÉATION LUMIÈRE Laurent Matignon
CRÉATION COSTUMES Claire Raison
Voir danser Jean-Claude me ramène à Tefen Burnett(1), à une danse de l’informe, à un impossible à atteindre. Dans le creux de ses mouvements se trouve le berceau de l’humain, peut-être de l’humanité.
Sa danse est pleine, intense, dans le moment présent. Sans technique d’exhibition, il flotte entre deux mondes, celui du réel et celui du rêve. Entre «cochon et Christ».
Danser avec Jean-Claude c’est me confronter à l’archaïsme de ma pratique, la danse.
C’est considérer la vulnérabilité comme espace de connaissance. Se mettre en péril, aller à la dérive, plonger dans la nuit à la lumière d’une luciole.
Au-delà du message politique, la poésie comme le mouvement libèrent l’énergie que l’ordre empêche. La morale commence et finit par le corps.
Fragilité n’est pas faiblesse.
Bernardo Montet
(1) personnage de fiction incarnant des grandes figures de la danse dont celle de Tatsumi Hijikata
Rendez-vous
VENDREDI 22 MARS de 11h à 13h
Attablement
en compagnie de Madeleine Louarn, Bernardo Montet, Alexis Forestier
Yvon : Quand on fait du théâtre, on a un outil de travail, c’est le corps. C’est très important le travail du corps, ça assouplit. Quand je suis arrivé à Catalyse j’étais beaucoup moins souple que maintenant.
Claudine : Quand nous sommes entrés à Catalyse, nous n’étions pas souples du tout ! C’était dur dur !
JR : Que préférez-vous dans ce métier ?
À l’unisson : Jouer !
Anne : Moi ce que j’aime c’est jouer ! J’aime rencontrer le public, discuter avec les gens. On rencontre beaucoup de gens. J’aime les tournées, voyager, prendre le train, changer de coin. Tous ces voyages nous permettent de ne pas rester enfermés au pavillon. Ça change les habitudes. On bouge beaucoup. J’aime être applaudie, avoir des souvenirs. Ça arrive qu’on nous offre des cadeaux, des tee-shirt par exemple.
Jean-Claude : J’aime jouer et aller voir d’autres pièces, ça m’apprend à bien jouer, à m’améliorer. Jouer devant le public c’est bien. J’aime bien parler de nos spectacles, lorsqu’il y a des rencontres avec le public.
Extrait d’entretien avec les comédiens de l’atelier Catalyse
realisé par Jessica Roumeur
« Faut tuer la misère parce que la misère elle nous a fait trop de mal. Alors on prend la relève et on tue la misère. Surtout quand on y a goûté. Puis on connaît la misère depuis que le monde est dans la misère. La misère on n’en a pas besoin, on est déjà assez malheureux par soi-même. »
« Détruire la misère c’est pas rien. C’te sacrée misère, il faut l’arrêter avant qu’il soit trop tard. »
André Robillard
VENDREDI 22 MARS de 16h à 18h
Pholharmonie
avec Martin Moulin et l’Ensemble Offrandes
Interroger ensemble les formes musicales de type « symphonie » ou « concerto » avec les moyens les plus rudimentaires : notre propre voix, des sons choisis dans des objets qui nous entourent (chaise, trousse, journal, etc... ) et des textes de toute nature.
Affiner notre perception : une forme pouvant insensiblement en devenir une autre, un équilibre pouvant se transformer en un autre équilibre.
Accueillir ce qui vient en proposant certaines contraintes tirées au hasard (dés, yi-king ou autre) et tester notre souplesse, nos possibilités d’invention face à un arbitraire – qui permet aussi d’évacuer le désir de trop maîtriser...
Venez avec votre matériel et/ou instruments Martin Moulin
SAMEDI 23 MARS de 10h à 13h
Attablement
en compagnie d’Hervé Bokobza pour Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire et Patricia Janody pour Les Nouveaux Cahiers pour la Folie
Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire est un mouvement créé en résistance au discours sécuritaire de Nicolas Sarkozy du 2/12/2008. Il est le point de rendez-vous de tous ceux qui souhaitent contribuer à la promotion du soin psychique, à l’accueil de la folie, et refusent les protocoles qui font du patient une personne à enfermer. Il travaille aux changements indispensables en psychiatrie pour une éthique de l’hospitalité.
Les Nouveaux Cahiers pour la Folie reçoit ses contributions de diverses personnes impliquées dans les différents bords de la folie. Concrètement, y interviennent tant des personnes soignées en psychiatrie que des personnes ayant fonction de soignant, ou tout un chacun qui se sent concerné à quelque titre que ce soit.
SAMEDI 23 MARS de 14h à 18h
Attablement
en compagnie de Jean Oury et Christophe Boulanger
Jean Oury, psychiatre et psychanalyste, est né en mars 1924. Interne a l’hôpital de Saint-Alban en septembre 1947, il arrive en 1949 dans le Loir et Cher et fonde la clinique de La Borde en 1953. Il est rapidement rejoint par Félix Guattari. Ensemble ils vont, dans le sillage de François Tosquelles, tenir le cap de l’affirmation de la différence et de la singularité.
« Donc, il y a ce tas de gens. L’institution, quand ça existe, c’est un travail, une stratégie pour éviter que le tas de gens fermente, comme un pot de confiture dont le couvercle a été mal fermé. La mise en place d’un club, c’est un opérateur pour éviter que ça fermente, sans se contenter de résoudre le problème par le cloisonnement et l’homogénéité. Or le problème est comparable quel que soit le tas de gens ; une école, une prison, une usine, un bureau. C’est pour ça que ce qu’on a appelé la psychothérapie institutionnelle – j’ai du mal à prononcer ce mot – est une instance critique de la société dans sa globalité. Eviter la dégradation d’un tas de gens par non-vigilance, ça demande du sérieux. Le sérieux, disait Kierkegaard, ça ne peut pas se définir. Le sérieux, c’est le sérieux (...). Ce genre de travail est une façon de singulariser les gens qui sont là, de transformer, comme disait Gabriel Tarde, la foule en public, d’avoir affaire à l’hétérogène sans essayer de l’écraser. Ça, c’est l’exercice de la loi. Ça ne peut venir de l’établissement, qui ne peut produire que des règles. C’est un travail énorme parce que la loi, comme disait Lacan, c’est le désir. C’est ce qui structure l’ambiance, ce qui autorise une attention commune, une sympathie, une « attitude collective ». La mise en place concrète se fait par une structure de partage. « Partage est notre maître », comme disait Pindare. Si seulement... ».
Jean Oury
Christophe Boulanger est, avec Savine Faupin, responsable de la conservation de la collection d’art brut au LaM – Lille Métropole Musée. Il travaille actuellement à une monographie sur la vie et l’œuvre d’Aimable Jayet qui fut interné à l’hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole en Lozère.
DIMANCHE 24 MARS de 14h à 16h
Histoire(s) du présent
Film d’Alejandra Riera avec UEINZZ
documentation d’une expérience (1h50m)
En 2009 la compagnie théâtrale Ueinzz a proposé une « occupation » de tout un étage d ́un centre culturel à São Paulo, pendant une dizaine de jours. Le film est donc parti d ́une enquête, une histoire du présent, comme dit le titre, à partir du vivant des personnes dont le rôle (social, professionnel, psychiatrique) glisse, les images produisant un court cicuit sur l ́état du monde et de notre perception sur lui.
DIMANCHE 24 MARS de 16h à 18h30
Attablement
en compagnie de Peter Pál Pelbart
Peter Pál Pelbart est né à Budapest. Il a fait ses études en philosophie en France, et vit actuellement à São Paulo, Brésil. Il a travaillé longtemps comme thérapeute dans un hôpital de jour, et depuis 1996 il coordonne, avec d ́autres, la Compagnie Théâtrale Ueinzz. Il a écrit plusieurs livres autour de la pensée de Deleuze et ses interfaces (folie, temps, littérature, biopolitique) et en a traduit quelques ouvrages en brésilien. Il enseigne à la Pontificale Université Catholique de São Paulo.19
Représentations suite
JEUDI 11 AVRIL à 18h30 & SAMEDI 13 AVRIL à 16h
de William Shakespeare - traduction André Markowicz
GEM Les Envolées, Association Croix marine, Le Ginkgo, Hôpital de Jour Psychiatrie Aulnay-sous-Bois, Collectif des Envolées.
AVEC Antje, Auguste, Baki, Bénédicte, Caroline, Catherine, Daniel, Daniel, Didier, Frédéric, Guy, Jane, Jean-Baptiste, Khaled, Marianne, Michelle, Olivier, Recsmei, Stéphanie, Tariq, Tristan...
Ici on nous comprend, mais ailleurs même sous les pierres, on ne nous écoute pas.
... nous sommes de l’étoffe
Dont les rêves sont faits, et notre vie
Infime est entourée par un sommeil
La tempête, Acte 4, scène 1
La lutte des classes est devenue le théâtre de la répartition et de la consommation des sucettes.
François Tosquelles
Montée en 2012 et jouée 4 fois à l’Hôpital général Robert Ballanger où elle a été créée, cette Tempête voyage pour la première fois jusqu’au Mans, sortant d’un secteur de psychiatrie publique du 93. Un département sinistré sur le plan sanitaire où un collectif soignant-soigné, inspiré par le mouvement de la psychothérapie institutionnelle, continue à travailler, inventer et chercher.
« La tempête, c’est un petit bout de vie, quelque part, de cette époque-là. 1611. Un témoignage, même si c’est un petit peu, pas enjôlé, mais un petit peu... C’était destiné à un mariage, à quelque chose de royal. Shakespeare, enfin ceux qui ont écrit ça, ce texte, ont dû faire preuve de diplomatie, enfin, certainement, comme nous du temps des rois avec les fous, ont dû les titiller sur des sujets, soulever des problèmes. Puis de toute façon la royauté ou la démocratie, c’est toujours une histoire de pouvoir.[...] Shakespeare, il interroge tout et il a raison, il faut un coup de pied dans la fourmilière, comme on dit, bah oui ! »
« Ce moment d’oubli de soi, je dirai terminé les soucis, les problèmes, je suis avec les autres, je suis dans la vie pratiquement, dans l’instant, dans l’émotion et ça c’est jouissif, ça c’est waouh ! Peut être que je rêve de cet état-là, que je vis pas tout le temps. C’est vrai que le quotidien il n’aide pas, il n’aide pas, il n’aide pas à vivre ça. Et là, c’est un moment unique effectivement, la représentation. Et surtout quand on parle cette langue-là, et de montrer qu’on en est capable, parce que c’est vrai que c’est la psychiatrie qui accouche de ça. Donc je me dis, peut être, avec un esprit un petit peu pervers, que les autres y vont venir, ils savent qu’on est en psychiatrie et peut être ils vont s’apercevoir, ouais, de la bizarrerie. Mais je crois que c’est ça, c’est la somme de... des bizarres que nous sommes, qui fait que justement, c’est intéressant, une force. Que tu sois bizarre, que je suis bizarre avec mes difficultés, ma folie, ton délire, c’est toute cette somme qui est en train de se faire, là, sur place, sur scène, à cet instant, et qui fait que ça marche. »
« L’union fait la force : c’est aussi les autres qui m’ont porté et accompagné dans mon rôle. Je me verrai pas tout seul. C’est grâce aux autres, que j’ai pu faire ce rôle là. L’énergie communicative. Unique non ! »
Extraits d’une discussion enregistrée le 24 janvier 2013 avec
le Collectif des Envolées à l’hôpital de jour d’Aulnay-sous-Bois.
SAMEDI 15 JUIN à 18h
Clotûre Festival ACTES
Tous les ans, en fin de saison, ACTES offre au grand public la possibilité de voir les créations construites au sein des établissements. Les formes présentées sont créées et interprétées par les résidents, encadrés, guidés et soutenus par leurs éducateurs et par des artistes professionnels.
Ce samedi 15 juin clôturera le festival démarré les 10, 11 et 12 juin à Allonnes et Arnage ; différentes formes de créations (théâtre, danse, musique) seront à découvrir sur le plateau de La Fonderie.
L’association ACTES regroupe un ensemble d’établissements spécialisés (ESAT ; IME ; Foyers Occupationnels ; SAJ...) et œuvre au développement des activités culturelles pour les personnes en situation de handicap (adultes dont des séniors, adolescents et enfants). L’art, et non le handicap, est le point commun qui lie tous les adhérents et partenaires de l’association.
Pour ACTES, la création artistique dépasse les replis identitaires et révèle la singularité, l’originalité, la personnalité. Elle est langage universel pour traduire des émotions, des représentations du monde.L’art est destiné à l’autre, c’est un acte de partage, il participe à la construction du lien social : casser les frontières entre les « mondes », favoriser la rencontre entre tous sans chercher à intégrer un groupe à l’autre, mais bien dans le respect de la différence.
Par l’intermédiaire de ses activités, ACTES démontre qu’il est possible de rassembler les résidents, les professionnels, les artistes et le public autour de l’art et non autour du handicap. ACTES ne veut pas montrer que des personnes en situation de handicap sont capables de faire de la création artistique, ACTES oeuvre pour que des personnes sensibles à l’art se regroupent, travaillent et créent ensemble.
Soutiens/productions
Changer la vie
Co-production : compagnie Les Endimanchés et le LaM.
La compagnie Les endimanchés est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la communication / Drac Ile-de-France et est soutenue par le Conseil Général des Hauts-de-Seine.
Les oiseaux
Production déléguée Théâtre de l’Entresort. Coproduction Le CDDB – Théâtre de Lorient, Centre Dramatique National ; Le Théâtre National de Bretagne, Rennes ; Le Théâtre de Nîmes ; Le Théâtre du Pays de Morlaix ; Compagnie Mawguerite ; Théâtre de l’Entresort ; ESAT des Genêts d’or ; avec le soutien de la Fonderie au Mans. Le Théâtre de l’Entresort est subventionné par La Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bretagne ; le Conseil Régional de Bretagne ; le Conseil Général du Finistère ; Morlaix Communauté et la ville de Morlaix ; Création en résidence au CDDB – Théâtre de Lorient, Centre Dramatique National. Madeleine Louarn est artiste associée au CDDB
(des)incarnat(s)
Production Compagnie mawguerite. Coproduction Le CDDB, Théâtre de Lorient, Centre Dramatique National, Le CCNT, Centre Chorégraphique National de Tours, Théâtre de l’Entresort, compagnie conventionnée de Morlaix, ESAT des Genêts d’or, Morlaix. La Compagnie Mawguerite est subventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication, DGCA.
ACTES
est soutenu par la DRAC et ARS des Pays de La Loire, le Conseil Régional des Pays de La Loire, La Fonderie au Mans, le Conseil Général de La Sarthe, Les Ateliers de La Grande Ourse au Mans, le Service Culturel de la Ville d’Allonnes, Les Communes d’Arnage, de Solesmes, de La Ferté Bernard, de La Flèche, de Loué et de Bouloire, IMPRI’OUEST à Mulsanne, le Centre Culturel Le Courmesnil de Loué et l’Association Pazapa.
« ENCORE HEUREUX... » A REÇU UNE SUBVENTION EXCEPTIONNELLE DU CONSEIL RÉGIONAL DES PAYS DE LA LOIRE. LA FONDERIE EST SUBVENTIONNÉE PAR L'ÉTAT - PRÉFET DE LA RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE - LA DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES CULTURELLES, LA VILLE DU MANS, LE CONSEIL RÉGIONAL DES PAYS DE LA LOIRE ET LE CONSEIL GÉNÉRAL DE LA SARTHE.
Licences 1-1004663 / 2-1004664 / 3-1004665